Moratoire éolien solaire : débat sur la loi Grémillet

26 septembre 2025 Simulation personnalisée Nous contacter

La trajectoire énergétique actuelle repose sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui fixe les objectifs français pour atteindre la neutralité carbone à travers un mix énergétique diversifié : nucléaire, éolien, photovoltaïque, hydrogène et sobriété énergétique. Cette PPE constitue le socle de notre politique énergétique, alignée avec les engagements internationaux sur le développement durable et la transition énergétique.

Pourtant, plusieurs difficultés freinent cette dynamique : des saturations locales du réseau électrique, des frictions sur le foncier liées à l’implantation d’éoliennes terrestres, et une acceptabilité sociale de plus en plus tendue, certains projets étant qualifiés d’« implants invasifs ». Ces tensions viennent s’ajouter à des contraintes techniques croissantes : hausse des coûts de renforcement du réseau pour intégrer les nouvelles capacités renouvelables, et pression budgétaire sur les collectivités pour accompagner ces travaux.

Pourquoi le moratoire a émergé et pourquoi il a été rejeté ?

Face à ces défis, la proposition de loi Grémillet proposait un moratoire éolien solaire, gelant temporairement le développement de l’éolien et du photovoltaïque. Le texte, soutenu par le groupe RN et rallongé par LR via des amendements, introduisait aussi le retour des tarifs régulés, la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim et la remise en cause de certains objectifs de la PPE.

Cependant, en première lecture à l’Assemblée nationale, la proposition de loi Grémillet a été largement rejetée : 377 voix contre 142 pour. Ce rejet massif reflète un clivage profond : d’un côté, les partisans d’une approche plus restrictive ; de l’autre, un consensus politique et territorial favorable aux énergies renouvelables. Le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) a salué ce vote, estimant qu’il réaffirme le soutien de la nation à la filière renouvelable.

Néanmoins, la discussion parlementaire n’est pas terminée : le texte retourne au Sénat début juillet, et un décret sur la PPE pourrait être publié dès la fin de l’été, avant la conclusion de la navette. Le débat est donc loin d’être clos.

Le contexte détaillé de la PPE et ses enjeux

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) est le document de référence qui oriente la stratégie énergétique de la France. Sa dernière version (2025-2033), en cours de finalisation, vise à accélérer la transition énergétique tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement.

Les objectifs annoncés pour 2030 sont ambitieux :

  • Doubler la capacité installée de photovoltaïque pour atteindre 75 GW,
  • Porter l’éolien terrestre à 40 GW et l’éolien en mer à 18 GW,
  • Réduire la part du gaz fossile dans le mix énergétique,
  • Renforcer les filières hydrogène bas-carbone et la sobriété énergétique.

Le gouvernement entend ainsi répondre aux engagements européens de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), et préparer le système électrique à l’augmentation attendue de la demande (électrification des mobilités, pompes à chaleur…).

Mais l’atteinte de ces objectifs se heurte à des défis concrets :

  • Des projets éoliens bloqués par les recours administratifs et les réticences locales ;
  • Des délais allongés pour les raccordements au réseau ;
  • Des interrogations sur l’équilibre futur du mix électrique face au développement des ENR et à la relance du nucléaire.

C’est dans ce contexte qu’est née la proposition de loi Grémillet.

 

Qu'est-ce que la loi Grémillet ?

La proposition de loi Grémillet, déposée par le sénateur Daniel Grémillet (Les Républicains, président de la commission des affaires économiques du Sénat), a été adoptée en première lecture au Sénat le 6 mai 2024.

Son objectif était de suspendre temporairement le développement de nouveaux projets éoliens terrestres et de centrales photovoltaïques au sol — autrement dit, d’instaurer un moratoire sur ces filières énergies renouvelables — afin de « rééquilibrer » la politique énergétique nationale et de permettre une nouvelle concertation avec les territoires.

Le texte de la commission entendait ainsi répondre aux critiques locales sur le manque d’acceptabilité sociale des projets, à la saturation des réseaux dans certaines régions, et à l’inflation des coûts de raccordement.

Au fil des débats, le texte a été modifié et remanié par plusieurs amendements. Certains ont proposé d’ajouter la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim, la restauration des tarifs régulés du gaz, ou encore des dispositions de cadrage plus strict du développement de l’énergie renouvelable, dans une approche normative visant à « reprendre le contrôle de la trajectoire énergétique ».

Cette proposition s’est donc transformée, sous l’impulsion des débats parlementaires, en un signal politique fort en direction des acteurs du secteur énergétique, bien au-delà d’une simple suspension administrative.

Le contenu exact de la proposition de loi Grémillet

Le cœur de la proposition de loi Grémillet reposait sur l’instauration d’un moratoire temporaire sur les nouvelles installations éoliennes terrestres et sur les centrales photovoltaïques au sol. L’objectif affiché était de « rééquilibrer le mix électrique » et de redonner aux collectivités locales un droit de regard renforcé sur ces projets d’énergies renouvelables.

Le texte, tel qu’adopté par le Sénat en mai 2024, comprenait plusieurs volets :

  • Suspension de l’instruction des demandes d’autorisation pour de nouveaux projets éoliens et photovoltaïques, le temps de revoir la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
  • Proposition de réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim, arrêtée en 2020.
  • Retour des tarifs régulés pour le gaz et l’électricité.
  • Redéfinition de certains objectifs liés au mix électrique et à la planification nationale de l’énergie.

Le rapport d’impact parlementaire soulignait que ce moratoire pouvait avoir des conséquences significatives :

  • Impact sur l’emploi dans les filières éolien et photovoltaïque (plus de 50 000 emplois directs et indirects menacés selon France Énergie Éolienne).
  • Risque de retarder la baisse des émissions de gaz à effet de serre, en freinant la croissance des renouvelables.
  • Frein potentiel à la transition énergétique et aux engagements climatiques européens.

Le débat s’est envenimé autour de la question de Fessenheim, une réouverture jugée irréaliste par le gouvernement et l’Autorité de Sûreté Nucléaire, mais symbolique pour les auteurs de la loi.

Qui soutient la loi Grémillet ?

Le soutien à la proposition de loi Grémillet s’est cristallisé autour de plusieurs groupes parlementaires, en particulier au Sénat.

Le groupe Les Républicains, auquel appartient le sénateur Daniel Grémillet, a évidemment défendu le texte. Ce soutien s’est appuyé sur l’idée d’une nécessaire révision de la politique énergétique, jugée trop déséquilibrée en faveur des ENR par certains élus de territoires ruraux.

Le Rassemblement National a également soutenu activement la loi, dénonçant une « fuite en avant » dans la politique de soutien aux ENR. Lors du débat à l’Assemblée nationale, le député RN Karim Benbrahim a ainsi défendu en séance « le besoin de préserver le paysage et le cadre de vie des Français face à une prolifération anarchique de projets éoliens et photovoltaïques ».

En revanche, le gouvernement, par la voix du Premier ministre Gabriel Attal, s’est opposé fermement au projet, affirmant que le gel du développement des ENR serait « contre-productif dans le contexte de la transition énergétique » et « en contradiction avec nos objectifs européens et notre trajectoire carbone ».

Les réactions du secteur des énergies renouvelables

La proposition de loi Grémillet a immédiatement suscité de vives réactions dans le secteur des énergies renouvelables. Plusieurs fédérations professionnelles, dont le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), France Énergie Éolienne et Enerplan (pour le solaire), se sont mobilisées pour dénoncer un texte jugé « rétrograde » et contraire aux intérêts de la filière.

Le SER a estimé que ce moratoire aurait un impact majeur sur l’emploi, rappelant que la filière des ENR représente aujourd’hui plus de 100 000 emplois en France. Une suspension des nouveaux projets éoliens et photovoltaïques aurait donc mis en péril des milliers d’emplois, en particulier dans les PME spécialisées.

De nombreuses collectivités locales, engagées dans des politiques de développement durable et de transition énergétique, ont également exprimé leur désaccord. Pour elles, cette loi aurait freiné l’autonomie énergétique des territoires, déjà très engagés dans le déploiement du mix électrique décarboné.

Enfin, le Conseil Supérieur de l’Énergie, instance consultative, a émis un avis négatif sur le texte, soulignant son incompatibilité avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et les engagements climatiques de la France.

Les enjeux profonds révélés par ce débat

Le débat autour du moratoire éolien et solaire proposé par la loi Grémillet a mis en lumière plusieurs enjeux fondamentaux liés au futur du développement durable et de la transition énergétique en France.

Tout d’abord, il révèle les tensions entre l’ambition nationale de décarboner le mix électrique et les difficultés d’acceptation locale. Si la majorité de la population soutient le développement des ENR, les oppositions se cristallisent souvent autour de projets mal concertés ou perçus comme imposés. Cela pose la question de la gouvernance des projets et de leur intégration dans les dynamiques territoriales.

Ce débat a aussi souligné l’importance d’un équilibre entre les différentes composantes du mix énergétique : nucléaire, énergies renouvelables, hydrogène, flexibilité. Le risque serait de polariser le débat en opposant les filières au lieu de rechercher leur complémentarité.

Enfin, la controverse a montré que le développement rapide des ENR doit s’accompagner d’investissements massifs dans le réseau électrique et dans les solutions de stockage, pour garantir la stabilité et la résilience du système. Le débat autour de la proposition de loi Grémillet a ainsi permis de rappeler que l’atteinte des objectifs de neutralité carbone passe par une planification cohérente et une concertation renforcée avec les acteurs locaux.

Quelles perspectives pour l’éolien et le solaire en France ?

Malgré le rejet de la proposition de loi Grémillet, le débat a laissé des traces et pose la question des perspectives pour le développement de l’éolien et du photovoltaïque en France.

La feuille de route officielle reste claire : le gouvernement, dans le cadre de la révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), prévoit de doubler les capacités installées en photovoltaïque d’ici 2030 et de renforcer significativement l’éolien offshore et terrestre. Cela doit permettre à la France de respecter sa contribution aux objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de construction d’un mix électrique décarboné.

Dans le même temps, il faudra tirer les enseignements de ce débat : renforcer l’acceptabilité sociale des projets, améliorer la planification territoriale, accélérer le développement des solutions de flexibilité (stockage, pilotage de la demande), et garantir un développement harmonieux et cohérent des énergies renouvelables.

Le gouvernement a réaffirmé sa volonté de publier un décret actualisant la PPE dès l’été 2025, pour sécuriser les trajectoires d’investissement du secteur. Le développement futur de l’éolien et du photovoltaïque devra ainsi conjuguer ambition climatique et concertation avec les territoires, afin de bâtir un consensus durable sur le futur énergétique du pays.

Conclusion

Le rejet de la proposition de loi Grémillet par l’Assemblée nationale marque un signal fort : malgré les tensions locales et les débats légitimes sur le rythme et les modalités du déploiement des énergies renouvelables, la France réaffirme son engagement en faveur de la transition énergétique et du développement durable.

Ce débat a néanmoins mis en lumière des défis importants : le besoin de mieux articuler développement des projets et acceptabilité sociale, la nécessité d’investir massivement dans les infrastructures pour accompagner l’essor du mix électrique décarboné, et l’enjeu de mieux associer les territoires à la gouvernance de l’énergie.

Alors que la future Programmation Pluriannuelle de l’Énergie est attendue pour l’été, il sera essentiel de construire un consensus politique et territorial autour de cette ambition collective. Le succès de la transition énergétique ne dépendra pas seulement des capacités industrielles, mais aussi de notre capacité à fédérer tous les acteurs autour d’une vision partagée.

Loin de clore le débat, le rejet de la loi Grémillet ouvre ainsi une nouvelle phase de dialogue sur l’avenir énergétique du pays.

FAQ

1. Pourquoi la loi Grémillet a-t-elle été rejetée ?
La proposition de loi Grémillet a été largement rejetée en première lecture à l’Assemblée nationale, par 377 voix contre 142. Le gouvernement et la majorité ont estimé que le texte, en instaurant un moratoire, allait à l’encontre des engagements de la France en matière de transition énergétique. Le débat a montré que la majorité des députés souhaitent au contraire accélérer le développement des énergies renouvelables.

2. Quels sont les impacts de la loi Grémillet ?
Si elle avait été adoptée, la proposition aurait eu un impact majeur sur le secteur : gel du développement des ENR, pertes potentielles d’emplois, ralentissement de la transition énergétique, hausse du risque sur la sécurité d’approvisionnement, et augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Le développement durable du système électrique français aurait été fortement freiné.

3. Quels sont les objectifs de la loi Grémillet ?
Le principal objectif de la proposition de loi Grémillet était de modifier la programmation pluriannuelle actuelle, en suspendant temporairement les projets éoliens et photovoltaïques, pour rééquilibrer la politique énergétique et la trajectoire énergétique nationale en faveur du nucléaire. Cette stratégie visait un recentrage du futur mix énergétique.

4. Qui soutient la loi Grémillet ?
La loi a été soutenue par le groupe Les Républicains au Sénat, par le Rassemblement National et certains sénateurs centristes. Le Premier ministre Gabriel Attal s’y est opposé, tout comme le gouvernement et les groupes Renaissance, MoDem, Écologistes. Le député Karim Benbrahim a quant à lui défendu le texte en séance publique.

5. Quels sont les amendements à la loi Grémillet ?
De nombreux amendements ont été déposés pour modifier et remanier la proposition : ajout de la réouverture de Fessenheim, retour des tarifs régulés, suspension renforcée pour les ENR. Ces dispositions ont alourdi le texte, le rendant encore plus contraignant et normatif.

6. Comment la loi Grémillet affecte-t-elle l’énergie en France ?
Si elle avait été adoptée, elle aurait figé l’évolution du mix énergétique, au détriment de l’éolien et du photovoltaïque. Elle aurait contredit la programmation nationale et menacé les efforts en cours pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. La réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim aurait été symbolique, mais peu réaliste techniquement. Cela aurait fortement ralenti le développement des ENR et déséquilibré l’évolution de l’énergie en France.

7. Quel avenir pour l’éolien et le photovoltaïque après ce rejet ?
Le rejet de la loi renforce la volonté de poursuivre le développement de l’éolien et du photovoltaïque. La prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie visera à sécuriser ces trajectoires, en conciliant ambitions climatiques et meilleure concertation locale.

8. La loi Grémillet remet-elle en cause la PPE ?
Elle voulait la modifier, mais le rejet du texte confirme le maintien de la programmation pluriannuelle en vigueur. Le gouvernement prévoit toutefois un nouveau décret PPE pour l’été 2025, tenant compte du débat et des nouveaux enjeux du mix énergétique.

9. Le moratoire était-il juridiquement applicable ?
Plusieurs juristes ont souligné que le moratoire aurait été difficilement compatible avec les directives européennes sur la transition énergétique et le développement durable. Il aurait probablement été contesté devant le Conseil Constitutionnel ou la Cour de Justice de l’Union Européenne.

10. Quelle suite pour le débat sur la politique énergétique ?
Le rejet du texte ne signifie pas la fin du débat. Le gouvernement entend accélérer le développement des ENR tout en améliorant leur acceptabilité. Une nouvelle stratégie est attendue pour l’automne, pour ajuster le dialogue entre acteurs et renforcer l’adhésion aux objectifs de la transition énergétique.

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